LES COLPORTEURS : MYTHE ET RÉALITÉ
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Dans la France de bourgs et de villages qui fut encore celle de nos grands-parents - voire de nos parents – émerge le souvenir de " gens qui passaient " régulièrement pour proposer des services et marchandises. Certains étaient " cravatés " : ainsi des divers représentants de commerce s’adressant à la boutique ou au particulier, démarcheurs qu’on désigne encore dans certains terroirs du nom de commis-voyageurs comme au temps de Balzac, et dont le statut n’était pas encore celui de l’actuel VRP.

D’autres proposaient de menus services de réparation (rétameurs, rempailleurs et rémouleurs) ou des marchandises hétéroclites. Ils venaient le plus souvent du Cantal, de l’Ariège, de la Savoie ou de l’Isère. Ils portaient dans le village le plus éloigné la mercerie, les toiles ou le livre, et surtout les nouvelles, les modes et les chansons. Ils fournissaient la " France profonde ", et certains faisaient le tour du monde. Ils mouraient au bord d’un chemin d’hiver, la balle au dos, comme de vrais Jean-misère, ou se retiraient sur leurs terres après avoir acquis plus que l’aisance. Ils étaient colporteurs.

Leur existence remonte à la nuit des temps, car tout marchand fut d’abord un nomade. Ils ont laissé peu de traces dans l’histoire qui s’écrit , hormis les règlements édictés contre eux, des procès-verbaux de saisie, des rapports de gendarmerie : catégorie soupçonnée, présumée délinquante. Aux yeux des sédentaires, l’aspect rustique dû à leur origine paysanne se conjugue à une errance illégitime pour composer un personnage trop proche du bohémien, cet éternel réprouvé. Autant qu’à la réalité de l’existence de ces migrants du commerce dans la société rurale d’autrefois, il faut s’attacher à leur image auprès des populations sédentaires, et aux réactions ambivalentes qu’il suscitent :

Et je l’attends de tout mon cœur,

le colporteur

Chante la jeune fille de Provence qui guette avec le printemps l’arrivée du petit mercier dauphinois porteur de rubans, soies et dentelles…toutes fanfreluches qui, le dimanche, feront tonner en chaire le curé du village: messager des modes les plus répréhensibles de la ville, introducteur de la coquetterie - quand ce n’est pas de la luxure, en tant que voyageur célibataire - source de péché, voilà ce qu’est l’homme à la balle.

Malgré la fixation des populations et la répression continue du vagabondage par les États européens depuis le XVIe siècle, l’inconscient paysan n’a pas oublié les siècles durant lesquels la foule des " passants " venait battre les portes des villages : serfs en rupture de ban, authentiques pèlerins de Compostelle ou coquillards qui en usurpent l’identité pour commettre des rapines, mendiants vendeurs occasionnels de produits agricoles, quêteurs plus ou moins délinquants allant de ville en ville ou escrocs à la charité. Flot mêlé, où personne n’est vraiment spécialisé, dans lequel la frontière de la légalité est franchie au gré de la pression des nécessités. L’action des pouvoirs royaux, à partir du XVI° siècle, réprimera les errances des pauvres remuants en cherchant à les fixer : hôpital, galères et déportations, en voulant trier le bon grain de l’ivraie, isoleront les colporteurs. Si l’historien y voit dès lors plus clair, les populations de l’époque modifient-elles pour autant leur réserve à l’égard de ces errants?

POURQUOI PARTIR ?

Le climat a sa propre histoire ; c’est au XVII° siècle qu’elle rencontre celle des colporteurs, petits paysans issus des régions montagnardes d’Auvergne, du Dauphiné ou d’une Savoie qui n’est pas encore française. Le petit " âge glaciaire " qui sévit à l’époque sur l‘Europe occidentale entraîne la diminution des rendements en céréales et conduit à en étendre les surfaces cultivées au mépris de toute logique agraire. C’est ainsi que les plateaux de haute-Auvergne ou les massifs périphériques de Alpes, domaine de l’herbe et de l’élevage par excellence, sont alors voués au seigle: la vente du fromage ne permet plus de se procurer les quantités nécessaires de céréales en raison de la détérioration des termes de l’échange. Au vu des faibles rendements permis par les " terres froides " , il n’est pas question de dégager le surplus permettant de payer les redevances seigneuriales ou de se procurer le vin, les produits manufacturés ou, surtout, les espèces sonnantes qu’exige le Roi en paiement de ses impôts.

En l’absence des petites industries rurales d’hiver qui font la prospérité du Jura, des cantons suisses ou du Württemberg, il faut trouver le numéraire ailleurs qu’au pays. Et c’est un pragmatisme de la pauvreté qui inspire la première solution, celle d’une mendicité frauduleuse : si la tradition auvergnate confère à St Jean des Olliergues, petit bourg du Livradois, le sobriquet honteux de Saint-Jean des voleurs, c’est que ses habitants lalaient autrefois tendre la sébile dans tout le Sud-Est, en faisant accroire à des paroissiens crédules et charitables que leur maison et leurs biens avaient été détruits par l’incendie. On les appella à l’époque quêteurs de brûlé.

La second solution est celle du petit négoce. Il se limite dans les premiers temps aux produits agricoles de leur terroir, et révèle déjà l’absence de réticence à s’en éloigner : si les Auvergnats proposent leurs peaux d’animaux et fromages aux villes du sud-ouest, c’est jusqu’en Piémont et en Bavière que les Alpins vont porter les leurs.

La tradition de migration chez les montagnards pauvres préexiste en effet aux nécessités nées de la conjoncture climatique. Depuis le Moyen-Âge, les Auvergnats empaument le chemin de Compostelle pour s’en aller chercher fortune en Espagne : ils sont à l’origine de belles réussites de marchands en Castille, et forment l’essentiel des petits métiers de bouche de Madrid, notamment dans la boulangerie. Quant aux Savoyards, ils tirent depuis longtemps profit du caractère transalpin de l’État auquel ils appartiennent.

LES PORTE-BALLES ET LA CULTURE POPULAIRE (1780-1850)

Mais d’où vient ce nom de colporteur, qui semble fixé dès le XIII° siècle ? Met-il l’accent sur le fait de porter avec soi toute sa marchandise (com-porteur) ou de l’offrir au regard du chaland dans une boîte portée autour du cou (col-porteur) . La seconde hypothèse semble plus probable, tout marchand, à l’époque, voyageant avec son stock : le temps de la vente sur échantillon n’est pas encore venu.

À l’époque " classique " du colportage, Auvergnats, Alpins, Normands ou Commingeois, seront appelés merciers, gagne-petit ou porte-balle, du nom de la hotte qu’ils portent sur leur dos. Cette boutique ambulante est faite d’osier ou de bois, comporte ou non des tiroirs, et contient tout leur stock : fil, aiguilles et passementerie, bien sûr, mais aussi poudre d’encre, bijoux fantaisie, papeterie et médailles pieuses, objets de piété, coutellerie, estampes et almanachs. Objets de petite valeur : le fait que l’expression tuer un mercier pour un peigne passe en proverbe au XVII° siècle indique assez qu’il n’y a là qu’affaires de petit homme.

Ses arguments de vente ? Si Jean-misère, gardant l’empreinte de la mendicité, peut jouer sur la pitié, il se montre à l’occasion tonitruant sur la place du village :

" Voilà des oignons, des mouchoirs, des asperges, des esgrangeoirs, des épingles, des aiguillettes, des peignoirs de buis, des tartelettes, des beaux fuseaux, des beaux couteaux, de l’encre, du papier, des plumes, des canivets, des tranche-plumes, des torche-culs, des cure-dents, des coupe-bourse, des pendants, des heures quaternaires à prendre tout [ almanachs], des clystères d’amour au bout, des fils, des fuseaux, des quenouilles, des rets, des lapins, des andouilles… "

Ainsi mêle t’il mercerie, produits alimentaires et objets imaginaires, conférant à son boniment une once de fantastique. Plus redoutée des pouvoirs que sa fonction d’approvisionnement est le rôle du colporteur dans l’information des populations rurales. Brochures, livres, images, almanachs, chansons, pamphlets feront partie de la balle du gagne-petit dès l’apparition de l’imprimerie.

À Troyes, un atelier se spécialisera même dans les livres à bon marché destinés à ce circuit particulier : c’est grâce au canal des colporteurs que les petits volumes de la Bibliothèque bleue, ainsi nommée à cause de la couleur de leur papier de couverture, serviront de base à la culture populaire de nombreuses campagnes françaises jusqu’à l’alphabétisation progresive du XIX° siècle. Le fonds même les fragments de livre saints, le merveilleux chrétien, les récits de chevalerie et le fonds oral d’une mythologie française repris par la culture savante : Grande Bible des Noëls, Bible des Cantiques, Jean de Paris, Pierre de Provence et la belle Maguelonne, Gargantua, ainsi que de nombreuses vies de Saints…ou de brigands comme Cartouche ou Mandrin.

Le colportage de librairie est celui qui aura fait l’objet des études les plus fouillées de la part des historiens. On sait que certains spécialistes du livre avaient dépassé le stade du porte –balle et, possédant voiture, fournissaient châteaux et presbytères en " bonne " littérature. Ainsi, au XVIII° siècle, l’inventaire après décès de Noël Gilles, dit La pistole, natif de Coutances et fixé à Montargis d’où il rayonnait dans le Gâtinais et une bonne partie de l’Île de France, révèle un fonds accordé à l’air du temps, où dominent les ouvrages de Voltaire, les philosophes et les brûlots contre les Jésuites.

En effet, si la survie du colporteur exige qu’il fasse preuve d’opportunisme commercial - il peut vendre alternativement, sous la Restauration, des estampes à thème bonapartiste ou royaliste en fonction des pays traversés - le fait d’échapper aux censures qui pèsent sur les métiers urbains du livre fait de lui à chaque époque le vecteur idéal de toute subversion de l’ordre en place. C’est ainsi qu’il diffuse la Bible et au temps de guerres de religion… non sans épouser sincèrement, parfois, les thèses protestantes dans des pays comme le Dauphiné, le Languedoc ou les Cévennes : qui dira ce que ressent ce réprouvé, presque gueux pour les pouvoirs urbains et ecclésiastiques, dès lors qu’on le fête avec chaleur en tant que porteur du Livre?

Au siècle suivant, il diffusera les Mazarinades, les Philosophes au temps des Lumières et, au XIX° siècle, barytonera à l’auberge ou dans la forge du village les chansons de Béranger, véhicule privilégié de la légende impériale, avant de se faire vers 1880 zélateur des idées républicaines.

Tout ceci n’est pas sans danger réel : en 1728, la loi punit du carcan et des galères en cas de récidive le colporteur reconnu coupable de diffusion de livres prohibés, et lui impose de savoir lire : l’illétrisme réel ou supposé était, en cas d’arrestation, la première défense avancée par le porte-balle. Dès 1744, le Lieutenant général de police de Paris " encadre " le métier afin de le contrôler: 120 colporteurs à médaille reçoivent le privilège exclusif de vendre les brochures imprimées avec privilège royal par les libraires, système que reprendront tous les régimes du siècle suivant.

 

L’APOGÉE DU COLPORTAGE : ALPINS ET AUVERGNATS (1850-1914)

En Dauphiné, c’est dans le massif de l’Oisans, le Briançonnais et le Vercors qu’on observe dès le milieu du XIX° siècle une spécialisation des marchands ambulants. Élégants, voyageant en chemin de fer dans toute la France, c’est dans une petite caisse de bois que le lunetier de l’Alpe d’Huez transporte désormais sa précieuse marchandise. De Briançon viennent les libraires, de Villars de Lans le quincaillier et son mulet. Dans le textile, si le rouennier voyage en carriole ou du moins avec un mulet, porte-balle Savoyards ou Dauphinois existent toujours.

Et surtout, ils accroissent leur rayon d’action : c’est vers 1830 que les fleuristes du Bourg d’Oisans, au moyen d’un catalogue trompeur mais rehaussé d’aquarelle, vont proposer à l’aristocratie russe ou polonaise leurs roses…vertes et que les fameux " Barcelonnette ", ainsi appelés du nom de cette sous-préfecture de nos Alpes de Haute-Provence, visitent le Mexique et la Californie comme marchands de tissu en gros. Ceux-là ont adopté pour sortir de la condition de gagne-petit la stratégie même des Auvergnats, et s’appuient comme eux sur les solidarités familiales.

Le Cézallier et l’Artense, rudes plateaux volcaniques situés aux confins du Cantal et du Puy-de-Dôme, sont comme l’Oisans des terres de colportage que leurs natifs désignent du nom de terre sainte, sacralisant une " patrie d’été " vouée aux pâturages. " De la terre sainte, on fait la chine " : c’est à dire que l’on part, une fois terminés les travaux de fenaison, vers les pays de plaines où l’on se répand, l’hiver venu, en véritables commandos de vente de toiles et cotonnades . Mettant parfois leurs méthodes agressives au service de négociants sans scrupules, les auvergnats sont à l’origine de nombreuses plaintes pour tromperie sur la marchandise, comme cette " affaire des couvertures " qui met en cause durant l’hiver 1822-1823 une bande de colporteurs d’Arconsat (Puy-de Dôme). Profitant de la campagne hauturière qui éloigne les hommes, ils écoulent auprès des femmes de pêcheurs de la région de Paimpol des couvertures de coton apprêtées qu’ils présentent comme étoffes pure laine…la supercherie éclatant au premier lavage.

Tous ne pratiquent pas cette stratégie de la terre brûlée qui les empêche de repasser dans le même village, et la majorité cherche au contraire la fidélisation d’une clientèle de ruraux qu’ils fournissent en linge de maison lors des grandes étapes de la vie familiale. Arrivant dans ses carrioles bâchées, la famille auvergnate s’installe au bourg où elle sera vite renseignée sur les noces, baptêmes et naissances : tandis que les hommes démarchent les fermes et hameaux isolés avec l’aide de commis auxquels ils vendent chaque matin leur stock, les femmes, sous la direction de la " patronne ", coupent et brodent à l’auberge les trousseaux commandés par les paysannes.

Revenus au pays, ils accroîtront leurs propriétés et se feront bâtir des maisons qui, un siècle et demi plus tard, se remarquent encore au sein des villages de colportage s’étageant entre le massif cantalien et le cours supérieur de la Dordogne : Allanche, Cheylade, Arconsat, Condat en Feniers ou Égliseneuve d’Entraigues, sans pour autant abandonner la condition paysanne.

 

UNE IMAGE AMBIGUË

Nous devons signaler une classe d’hommes aussi inutiles que dangereux, qui s’est multipliée dans les arrondissements de Murat et Saint Flour : ce sont les merciers-colporteurs qui courent les villages et les foires, ne vivant que de tromperie, tant envers leurs acheteurs que des marchands qui les assortissent. "

Les populations visitées partagent-elles l’opinion de ce préfet du Cantal de 1826 ? Pour l’ensemble des sédentaires, l’image de ces nomades commerciaux, globalement inquiétante, est au moins ambiguë : espérés des populations isolées, rejetés par les notables commerçants des bourgs, leur encadrement est l’obsession de tous les régimes politiques du XIX° siècle : si l’Empire voit en eux de possibles déserteurs, la Restauration les soupçonne de propager les idées subversives et, pour tout le moins, des " nouvelles alarmantes " visant à démoraliser la population. L’Église elle-même redoute leur fonction de communication : il est vrai que les récits légendaires ou les vies de saints dont ils font indifféremment leur fonds de commerce sont loin d’être toujours " dans la ligne " de la doctrine officielle, entachés de trop de merveilleux et de miracles controversés.

Étranger par son accent ou son costume, le colporteur, redouté des aînés, est le champion de la jeunesse : du livre au colifichet, ses marchandises, au même titre que ses chansons, plaisanteries et nouvelles, ne représentent-elles pas une bouffée d’air pour tous ceux qui se sentent à l’étroit dans le cadre immuable et borné du village ? Bien sûr, sa tactique de vente dynamique qui force la main comme les portes, le met à cent lieues du monde commercial léthargique de la boutique décrit par Balzac.

En un siècle de bouleversements économiques, c’est de ses rangs que sortira un type d’entrepreneur à l’origine d’une révolution urbaine du commerce. Si les débuts historiques du colportage doivent beaucoup à la crise agricole qui, au XVII° siècle, les obligea à chercher fortune en dehors de leurs montagnes, les crises autrement plus violentes qui frappent à intervalles répétés les campagnes françaises les contraindront d’ abandonner deux siècles plus tard leur mode de vie d’émigrants saisonniers. L’exode rural ne les prive t’il pas inexorablement de leur marché, ces populations isolées auprès desquelles ils avaient le monopole de la fourniture d’ objets que l’autarcie villageoise ne saurait produire ?

Si le porte balle disparaît progressivement, les plus aisés d’entre eux, marchands forains desservant les marchés, offriront un assortiment supérieur. Tandis que les bibliothèques de gare de Louis Hachette détruisent le colportage de librairie, les premières boutiques de chef-lieu de canton se multiplient déjà avant 1914 : le nombre des patentes commerciales passe de 1,7 millions d’assujettis en 1850 à 2,3 millions en 1900. Ces magasins reçoivent maintenant la visite des commis-voyageurs des fabriques de Normandie ou du Nord. Ce personnage à la faconde inépuisable, portant breloques et chaîne de montre à l’instar de l’Illustre Gaudissart de Balzac ou de l’Alcide Jollivet d’Alexandre Dumas aura tué Jean-misère…

Mais de belles réussites illustrent l’esprit d’initiative de ce petit monde de la route : certains d’entre eux participent au renouveau du commerce sédentaire, comme Xavier Ruel, fondateur du Bazar de l’Hôtel de Ville, ou les frères Michel et Calmann Lévy, créateurs d’une célèbre maison d’édition parisienne. Un " chineur " cantalien du nom de Tourlonias sera banquier de l’ Armée d’Italie et finira par s’agréger à la noblesse pontificale sous le nom de Torloni.

Les plus entreprenants des Cantaliens, au XX° siècle, passeront du trousseau à la salle à manger complète vendue sur catalogue ou présentée dans un camion-exposition : le négociant ambulant, offrant un crédit personnalisé, sera encore un élément du paysage commercial de notre époque. Quant aux porte-ballesils n’ont pas vraiment disparu. De l’entre-deux-guerres aux années 60, le boulevard parisien, les rues de nos villes ont connu la figure du marchand de tapis algérien. De même le colporteur sénégalais, appartenant généralement à ce peuple de tradition marchande que sont les sarakolés, s’en vient-il toujours proposer aux terrasses des cafés bijoux fantaisie, et objets d’artisanat présumé africain. L’homme du Tiers-monde, migrant des temps nouveaux, n’a t’il pas repris la hotte de Jean-misère ?

[Jean-Noël LALLEMENT - conférence prononcée en 1997]